MENU
FR


FRANTA (František Mertl) est né le 16 mars 1930 à Třebíč dans les monts de Bohême-Moravie (Českomoravská vrchovina). Il a fait ses études à l’Ecole Supérieure de l’industrie artistique à Brno et à l’Académie des Beaux-Arts à Prague (l’atelier du professeur M. Holý). Pendant son stage d’études en Italie (Perugia) en 1956, il a rencontré une étudiante française de l’italien, Jacqueline Sussan qui, quelques ans plus tard, a épousé Franta et est devenue sa partenaire à vie. Or, c’était au moment où Franta avait déjà vécu et créé dans le sud de la France (d’abord à Nice, puis à Vence), où il s’était installé après son émigration en 1958 via Berlin-Ouest. Déjà ses premiers tableaux, peints en Côte d’Azur, sont signés par une dérivation du prénom de l’artiste. Pour simplifier la lisibilité, il a créé le pseudonyme FRANTA sous lequel il est aujourd’hui connu non seulement dans le sud de la France, mais en toute l’Europe et aux pays d’outre-mer. Il fait partie de ces artistes qui ont divisé leur création entre deux pays : la France et la République tchèque. En même temps, il faut remarquer que la France constitue la partie plus importante de l’héritage artistique de Franta ainsi que l’époque artistique plus longue passée à créer et vivre.

 

            La nouvelle impulsion pour la continuation de la création de Franta était déjà son stage d’études en Italie. C’était la première fois qu’il a affronté face à face les œuvres des maîtres de la renaissance, l’architecture médiévale, le paysage du Sud et le néoréalisme italien. Seulement deux ans plus tard, en s’installant dans le Sud de la France, il découvre la création des artistes tels que Picasso, Chagall, Ernst, Dubuffet, Tàpies… Plus tard, il coopère avec d’autres : mentionnons au moins Roberto Matta et Eduardo Chillida et n’oublions pas les relations amicales avec l’écrivain Graham Green. La première exposition indépendante de Franta a eu lieu en 1960 à Paris. Seulement cinq ans après son arrivée en France, il s’est classé entre les représentants de la nouvelle figuration française – l’être humain, dans tous les domaines, est devenu l’inépuisable source d’inspiration pour le plasticien jusqu’à aujourd’hui. L’artiste reproduit, dans ses œuvres, le miracle douloureux de la naissance, des corps humains écrasés par les conflits guerriers, mais aussi l’homme associé à la nature, l’homme qui ne peut pas s’affranchir des liens étroits avec la civilisation du monde contemporain.

 

            Dans les premières œuvres de Franta créées en France, il est impossible de ne pas remarquer les échos du cubisme. Ce sont les tableaux dans lesquels, à part la lumière et la couleur, la ligne a joué un rôle très important. De l’autre côté, ils ont été dotés d’une force suggestive de l’expression dont l’importance dans la création de l’artiste progresse de plus en plus. Néanmoins, déjà dans l’époque suivante, l’art de Franta se rapproche à l’expressionnisme, l’abréviation individuelle est accentuée, que ce concerne la forme de la peinture ou son contenu. Tout cela est mis en valeur par le rôle spécifique de la lumière et par le coloris irremplaçable. Sans que Franta connaisse les tableaux de Francis Bacon, intuitivement, il est arrivé aux conclusions semblables. Sa conception de l’expression artistique s’est rapprochée aussi à la peinture du peintre serbe Vladimir Veličković (1935) qui a vécu depuis 1966 à Paris. Même si la création de chacun de ses artistes est très individuelle, nous pouvons y trouver une harmonie spirituelle.

 

 

 

            Dans les années 1980, tout un nouveau domaine d’inspiration très important s’est présenté à Franta et l’inspire et le développe jusqu’à présent. C’était l’Afrique, le continent où il a découvert un paysage inconnu ainsi que la beauté naturelle de la figure humaine. Il y a trouvé un être noble dont la vie était fortement liée à la nature et qui n’avait pas besoin de nouveautés techniques pour son existence. Les tableaux de Franta puisaient l’inspiration des voyages dans les pays comme le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, le Kenya, la Gambie et la Nigére et ils ont impressionné non seulement les métropoles européennes, mais aussi New York où nous pouvons les trouver dans les collections du Musée Guggenheim, Brooklyn Museum ou Bronx Museum. Dans les années 1980, à New York, il a fait connaissance avec des personnages tels que Thomas Messer, Robert Rubin, la critique Dore Ashton ou avec Charlotta Kotik. C’est alors que le motif de l’Afro-Américain a apparu, un de ces sujets qui l’accompagnent tout au long de sa carrière.

 

            Franta est capable d’exprimer le contenu de l’œuvre en s’appuyant sur la façon de concevoir la figure, la figure humaine est un lien entre l’auteur et le spectateur, son spectre d’expression est littéralement illimité. L’Homme de Franta témoigne : lui-même, son époque, le monde dont il fait partie et qu’il détruit systématiquement en même temps. Tout cela est soutenu par un moment en apparence secondaire : la maîtrise parfaite de l’artiste de l’anatomie humaine qu’il a amenée de ses études universitaires à Prague.

 

            Depuis la fin des années 1990, l’engagement dans les œuvres de Franta s’intensifie au niveau des valeurs humaines ainsi qu’au niveau des attitudes antimilitaires. Une partie importante de sa création réagit aux conflits guerriers ou aux attaques terroristes. Il n’est jamais resté indifférent aux facteurs qui menacent l’humanité ou comment l’humanité se menace elle-même. Quelques-unes de ces œuvres ne sont plus accessibles pour l’auteur puisqu’elles sont en possession des villes japonaises de Nagoya et Tokyo, mais aussi de la ville tchèque de Lidice. Le Triptyque « Le Témoin » (1993/1994) est abrité à Nagoya près de l’œuvre d’Anselm Kiefer et, pour les Japonais, il est devenu symbole des horreurs de guerre vécues par les habitants d’Hiroshima et Nagasaki.

 

            L’œuvre de Franta hausse le ton avertisseur aussi dans les peintures qui signalent l’abus de la technique, la capacité de l’homme d’encombrer le monde par des déchets de la surproduction et de la société de consommation. Car c’est la menace de la société contemporaine dont nous n’arrêtons pas de parler, mais qui s’intensifie tous les ans. Franta avertit de la dévastation de la nature, de l’indifférence à la mort qui ne nous concerne pas directement et qui sert de proie pour la presse à sensation. Rappeler l’équation courte qui mène de la naissance à la mort est devenue la vocation des œuvres de l’artiste.

 

            Même si Franta a dédié la plupart de son effort à la peinture, sa création sculpturale joue un rôle important aussi. Il est évident que l’émanation sculpturale expressive est en harmonie avec les toiles de Franta et, si nous regardons du près, nous devons remarquer la ligne qui s’oriente jusqu’à l’héritage de l’art baroque tchèque. Les réalisations sculpturales de Franta ont déjà atteint un tel nombre qu’elles ne sont plus qu’un complément des expositions des tableaux, mais ce sont assez souvent les statues qui dominent quelques-uns des défilés.

 

 

 

Franta a émigré en tant que diplômé récent de l’académie de peinture. Dans sa patrie, sa personnalité et son œuvre étaient indésirables pendant les décennies suivantes. Ceci a été renforcé par le fait que le père de Franta avait combattu comme légionnaire au front italien et après l’occupation de la Tchécoslovaquie, il faisait partie des soldats de nos armées étrangères qui s’étaient formées en France. C’est pour cela que, dans son pays natal, l’artiste n’a pas eu une position solide comparable à celle des artistes dont l’immigration était liée à l’an 1968 ou à l’époque postérieure. Ce fait a influencé aussi la représentation de Franta dans les collections des galeries en République tchèque. Nous pouvons cependant la rencontrer dans de nombreuses institutions. Ses œuvres sont abritées à la Galerie nationale à Prague, au Musée tchèque des Beaux-Arts à Prague, à la Galerie morave à Brno, au Musée de la ville de Brno à Špilberk, à la Galerie des Beaux-Arts à Ostrava, au Musée de Vysočina à Třebíč et dans la Maison nationale (Národní dům) à Třebíč qui abrite l’exposition permanente de la création de l’artiste, son cadeau à sa ville natale. En France qui est devenue sa deuxième patrie, ses œuvres sont en possession des institutions telles que le Centre Pompidou à Paris, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et plus d’une vingtaine d’autres musées publics ou fondations. La création de Franta a mûri, il est l’auteur d’importance européenne et une partie de son œuvre a même dépassé les frontières du continent européen – ses tableaux, ses peintures, ses sculptures et ses graphiques font aujourd’hui partie de presque soixante collections publiques importantes dans pratiquement le monde entier. La représentation de Franta dans les collections privées est littéralement innombrable.

                        En République tchèque, Franta a réalisé huit expositions individuelles importantes. Le retour symbolique à sa patrie s’est effectué à Karolinum à Prague (1995), suivi par Třebíč (1997), Český Krumlov et Brno (2009). En 2012, Prague a de nouveau abrité deux fois ses tableaux, sculptures et peintures et puis, c’était Třebíč qui a suivi avec l’exposition permanente (2014). Pour l’instant, la dernière exposition individuelle de Franta a été réalisée pendant cet été à la Galerie des Beaux-Arts à Ostrava (2015). La création de l’artiste a été traitée dans des dizaines des catalogues d’exposition, des centaines d’études, d’articles et d’entretiens. Son œuvre a été présentée dans cinq monographies étrangères et une monographie tchèque, les films et les émissions de télévision ou de radio ont été réalisés. Il a été invité chez Marek Eben à son programme Na plovárně. Ceci n’est pourtant qu’un fragment de ce que forme l’héritage artistique des soixante ans de l’effort créatif de Franta. L’effort duquel émane une énergie inébranlable qui est typique pour cet artiste même dans sa vie privée. Ce ne sont toutefois pas que cette énergie, le geste éloquent, le coloris merveilleux, la peinture brillante ou la composition parfaite qui nous parlent à travers l’œuvre de Franta. Ce que nous ne devrions pas manquer dans sa création, a défini en 2007 le critique artistique français Jean-Luc Chalumeau : « Je ne sais pas si c’est l’intention de Franta, mais c’est comme cela : son art qui en principe puise son inspiration du malheur du monde, nous transmet une expérience inestimable de la beauté.  Le monde révélé par l’objet esthétique créé par Franta nous illustre le monde réel ainsi que nous-mêmes. Nous nous rendons compte que nous avions besoin de cette lumière. »

 

Ecrit par: PhDr. Marie Dohnalová